Voyage de l'autre côté des Alpes
Aujourd'hui on traverse les Alpes et on change d'échelle de temps ! Attention à la fermeture automatique des portes, attention au départ.
C'est sous une bruine de plus en plus insistante que nous arrivons toutes sacadotées et pas bien réveillées à la gare de Christchurch. Nous récupérons notre boarding pass après avoir pesé nos sacs (ils ne doivent pas dépasser 30kg, on passe le test haut la main 😂). On choisit de les garder avec nous car nous sommes censées arriver vers 13h et nous devrons passer par notre hôtel avant notre rendez-vous à 14h avec un guide pour nous emmener sur la côte.
Sur le quai et dans le hall se pressent quantité de groupes, certains toussant ou bousculant plus que d'autres. On apprend que l'un des deux compartiments à l'air libre est réservé aux passagers premium tandis que le reste du Transperceneige, complet, doit se contenter de l'autre. Bon.
Le train s'ébranle. Marie fait connaissance avec les Américains assis en face de nous quand Julie suit au gré des connexions la première réunion synchrone de sa formation. Après quelques arrêts dans la banlieue par folichonne de Chch nous délaissons les zones commerciales pour plus de nature et plus de montée aussi.
Pas de beefalo à l'horizon
Le commentaire audio nous indique que les plaines du Canterbury où nous circulons actuellement ne sont pas plates mais en légère pente. Par ailleurs, les plantes qui s'y trouvent ont pour la grande majorité été importée, on ne trouve plus que 0.5% de plantes natives. Mais il faut dire que ce sont les champs qui nous entourent qui composent le principal apport du pays en termes agricoles. Un équilibre pas évident à trouver !
Le cours de Julie est terminé mais la voiture ouverte est très occupée et il y fait froid (le soleil a fini par chasser la bruine mais tarde un peu à faire chauffe-plat) ; retour à la case départ. L'essentiel des photos sera donc pris de l'intérieur du train, comme vous aurez tout le loisir de le déplorer ci-après.
Admirez le viaduc en arrière-plan !
Le commentaire audio se poursuit et tandis que nous enchaînons les tunnels à mesure que l'on quitte la plaine pour rejoindre les montagnes, nous en explique la complexité de la construction (tout comme les routes).
Bon appétit
Le train peine sur les montées ; nous devons faire des arrêts de temps à autre pour qu'il reprenne son souffle. Le paysage vertigineux de la montagne nous offre des panoramas magnifiques. Nous passons par des viaducs, on zigzague au dessus des rivières et le long de gorges. Il y a quelques zones de pâtures sur un plateau et altitude, ainsi qu'une unité de l'université de Christchurch concernant l'étude des plantes en milieu alpin. On peut dire que c'est immersif !
Après des éblouissements tous plus épatants les uns que les autres nous atteignons Arthur's Pass où des personnes montent, d'autres descendent. C'est un point d'étape important, un espace dégagé qui sert notamment à jumeler le train à une autre locomotive qui aidera à assurer la descente dans le long tunnel qui nous attend. Bar et toilettes sont fermés, tout le monde doit rester à sa place. Et paf on s'engage dans le tunnel, presque aussi long que le tunnel sous la Manche. Tout se passe bien en on ressort au complet de l'autre côté. Le train fait une nouvelle pause peu après pour dire au revoir à la loco de soutien et nous voilà à aborder la descente vers Greymouth.
Les paysages alpins et les rivières (pouvant être dangereuses tant elles peuvent monter très rapidement et surprendre des randonneurs mal informés) cèdent peu à peu la place à une végétation plus luxuriante, comme celle que l'on avait eu la chance de parcourir lors de notre randonnée dans le parc National de l'Abel Tasman. Un lac de villégiature passé et nous voilà dans la Grey Valley, un lieu d'extraction de charbon dont les mines ont fermé après plusieurs accidents meurtriers (malheureusement pas une histoire très originale). Depuis, la verdure a repris ses droits et seuls quelques vestiges du passé ouvrier subsiste (un ancien pont, des wagonnets...). Le temps géologique est à l'oeuvre ici. Les Alpes du Sud se sont formées et se forment toujours de la confrontation de plaques. Les mouvements terrestres associés à l'érosion permanente imposent une surveillance importante des infrastructures humaines, comme la route ou les rails.
À cause des divers arrêts nous arrivons avec 30 min de retard à Greymouth. Une localité un peu moribonde mais qui cumule malgré tout 45% de la population de la côte ouest. Nous sautons sur le quai et courons déposer nos affaires à l'hôtel et nous tartiner de crème solaire. À peine beurrées, un minibus arrive pour nous prendre en charge. À bord, notre guide et chauffeur pour l'excursion, deux dames que l'on soupçonne d'être kiwis et une autre française avec qui nous discuterons un peu.
Nous partons illico pour nous arrêter quelques kilomètres plus loin dans un petit musée à ciel ouvert sur le passé minier de la région. Il y a des restes de machines pour excaver, évacuer, raffiner (?) et les arcades d'un tunnel. Notre chauffeur nous explique tout ça depuis la voiture, on ne descend pas. Pas de question ? On repart !
Deuxième arrêt sans descente à un spot prisé de pique nique car vue superbe, mais c'est aussi un lieu de commémoration pour un accident minier qui a coûté la vie à beaucoup trop de gens. À peine le temps de décrypter les informations que l'on repart. Difficile de tout comprendre dans le brouhaha du vent et de la carlingue mais on entend quand même que la route sur l'on emprunte fait partie des 10 meilleures "Coast Road" du monde selon le Lonely Planet.
Et on comprend pourquoi ! La route, coincée entre des à-pics de végétation riche et la mer de Tasman qui s'écrase violemment contre les plages et la côte. Des mètres d'écume sont malaxés par les courants, très forts par ici, et très froids aussi. Se baigner ici c'est prendre le risque d'y passer, nous nous contentons donc juste de photos (depuis la voiture, c'est un peu la thématique du jour).
Après avoir serpenté quelques dizaines de kilomètres nous arrivons à Punakaiki. Le site est paraît-il unique au monde ! On peut y observer une formation géologique nous dit-on encore inexpliquée : des mille-feuilles de pierre (les pancake rocks) qui se font grignoter par la mer.
Miam miam, il ne manque que le sirop d'érable
Un petit sentier a été aménagé pour s'y promener en sécurité. L'eau s'écrase avec des fracas de tonnerre contre un dédale de rochers et de bassins ; elle s'y enroule avec violence, c'est un bruyant tourbillon d'écume et de gerbes d'eau.
La piscine à remous où tu n'as pas très envie d'aller
L'érosion a créé des cheminées où le souffle de l'eau remonte à chaque forte vague. On dirait la respiration anxieuse d'un monstre géant entortillé dans le labyrinthe minéral. Le guide nous explique que ces grosses vagues sont les remous d'un cyclone passé par l'Australie. Pas vraiment le moment d'aller tremper les pieds.
Ça bouillonne, ça bouillonne !
Point de vue européen huhu
Nous faisons le tour, impressionnées par le grondement des éléments et par les creux taillés à la force des ans et des tempêtes. Nous remontons dans le minibus, direction un chemin non loin, sous le couvert de la végétation.
On est partis à peu près dans cette direction
Le guide nous donne le nom d'un tas d'arbres et des anecdotes sur leurs âges ; leur croissance est extrêmement lente à nos yeux d'humains, celui-ci tout maigrelet et d'un mètre de hauteur a déjà 20 ans. Son parent, bien plus haut et au diamètre plus imposant, affiche 800 ans au compteur. Ça force le respect. Nous découvrons un autre arbre que le manuka pour la production de miel local (le kamahi). Mais aussi un arbre qui vit en colocation avec une plante qui s'épanouit en bouquet sur presque toute sa surface.
Un arbre qui a mis son manteau
Le sentier s'achève sur une plateforme en bas d'un escalier d'où on a vue sur une grotte immense clairement creusée par la mer qui continue d'ailleurs son harassant travail. On aperçoit une cascade de la corniche qui surplombe la grotte. Éblouies et échaudies, nous sommes enjointes à regagner le van qui nous ramène à bon port.
La fin d'après-midi se passe tranquillement, des cartes postales sont rédigées et au retour du resto nous longeons un peu la rivière Grey qui donne son nom à la ville et qui vient d'un monsieur du même nom (pas Christian).
Incroyable mais vrai : rien de vraiment prévu pour demain, à part reprendre le train retour à 14h. On va tâcher de se reposer un peu 🤣
Le pont de Greymouth ; il y a une légende maorie à propos des deux collines qu'un type surnommé Tu aurait écartées pour faire passer la rivière Grey