Rando test : boucle depuis Rothau
Après des dépenses inconsidérées à Décathlon et une lessive de circonstance, un réveil modestement piquant et un TER qui quitte la plaine d'Alsace sans qu'on s'en rende compte pour louvoyer dans la forêt (d'authentiques odeurs de scierie nous accompagnent), nous abordons depuis la gare de Rothau et avec confiance les 19 km et 730 m de dénivelé qui nous attendent. Et tant pis pour la syntaxe.
Nous sommes le dimanche 8 octobre 2023, le temps est favorable et nous sommes prêtes. L'aventure a bien failli être annulée pour cause d'une incompréhensible gêne dans la jambe mais l'occasion était trop belle. On se donne un point de demi-tour maximum si jamais la patte folle est trop pénible à trainer.
Le démarrage s'effectue en douceur par la traversée de la petite ville, l'occasion de vérifier la hauteur des bâtons de marche. Ne sachant pas lire une trace GPS qui nous disait d'emprunter la rue à gauche, si, tu vois, celle qui monte un max, nous optons pour le moins pentu des débuts. Le macadam laisse place à un chemin de terre et les maisons cèdent face aux arbres ; de notre côté nous quittons polaire et doudoune pour tee-shirt et casquette.
Cette première partie de la randonnée nous fait suivre un chemin forestier assez large pour laisser circuler des voitures mais nous sommes déjà assez haut pour apprécier la vue qui se dégage. Nous vérifions que nous sommes toujours sur la bonne route de temps à autre, car on ne croise pas foule avec qui échanger sur l'itinéraire. Après quelques croisements et montées bordées de conifères nous arrivons jusqu'à la première attraction du circuit : le Gros Chêne. Pas le temps de dégainer le téléphone pour capturer l'impressionnante bête qu'un couple ahanant et luisant de transpiration s'arroge le trésor local pour faire ses étirements. Comme ça dure et qu'ils papotent avec d'autres personnes arrivées au même moment (je vous dis que c'est une attraction) nous prenons la clé des champs.
C'est en abordant le hameau de Salm, quelques mètres plus loin, que nous réalisons (enfin) que nous avons pris le circuit à l'envers. On comprend mieux pourquoi le pas-à-pas était si bizarrement décrit ! Du coup nous pouvons suivre les recommandations et comme indiqué, nous n'avons pas manqué la ferme Kupferschmit ou « ferme mennonite ». Le saviez-vous ? Les mennonites sont une communauté anabaptiste qui a trouvé refuge principalement en Alsace. De ce que j'en ai retenu, la ferme Kupferschmit servait de lieu de rassemblement pour la vie civile et la vie religieuse. En tout cas ce que je peux vous dire c'est que le village est très bien rangé et entretenu mais quand même sacrément isolé.
La rue principale finit d'égrener ses maisons et à son bout nous fait arriver sur une route en lacet. Nous la traversons pour rejoindre un chemin discrètement balisé qui nous fait d'abord longer la dite route puis qui s'en éloigne. On ne peut alors ignorer que ça grimpe un peu, dans ce pays. Les bâtons nous sont d'une aide secourable. Après quelques temps à nous promener au beau milieu des sapins, relativement éclaircis, nous arrivons sur un chemin de sable rouge, d'un côté bordé d'une grille et de l'autre bordé de végétation. Au passage nous voyons de magnifiques champignons qu'on ne cuisinerait pour rien au monde.
C'est ainsi que nous arrivons à l'Étang du Coucou sur les coups de 12h30. Un rendez-vous familial semble avoir été donné dans une auberge adjacente car un nombre invraisemblable de personnes endimanchées s'y dirige sans hésitation. Nous longeons un tout petit instant l'étang pour nous poser à son bord et effectuer notre halte méridienne. Malgré nos efforts nous n'apercevons pas de coucou (Marie réalise vers la fin que ce sont des OISEAUX que l'on cherche) alors une fois repues, nous levons le camp.
L'après-midi commence par une montée sévère et plusieurs passages avec des escaliers de bois au-dessus de clôtures. Puis le chemin se fait plus traditionnel, constitué de terre battue, de dénivelé plus ou moins prononcé, de petites pierres, de grosses pierres, de racines, de mousse en abondance, de branchages au sol et encore accrochés à leurs propriétaires... et toujours aussi bien balisé.
Après quelques temps ainsi passés nous arrivons à un croisement permettant de faire un crochet par le sommet la Chatte Pendue (900m !). Vu sa renommée et malgré un grillage suffisant pour retenir un T-Rex, nous n'hésitons pas à nous engager dans le somptueux escalier ! Par contre des panneaux nous recommandent de ne pas faire trop de bruit, nous nous passons donc nos commentaires à voix basse. Arrivées au point de vue (le chemin est assez tordu pour l'atteindre mais apparemment beaucoup de monde y arrive sans trop de souci, nous n'étions clairement pas seules) nous cherchons à nous repérer sur la table d'orientation et à prendre quelques photos.
De retour à la croisée des chemins nous entamons la partie retour de la boucle. La piste n'est pas toujours évidente à suivre (très bosselée et avec des décrochages de hauteur assez importante, malgré une altitude plutôt stable) et parfois très étroite, encore une fois les bâtons nous sont d'un bon secours. Difficile de s'arrêter pour prendre des photos, mais on s'accorde quelques pause pour l'équilibre et apprécier le paysage. Au bout de ce voyage dans un boyau de verdure à ciel ouvert, nous arrivons au niveau du château de Salm et ses pierres à cupules.
Si vous ouvrez en grand ce sera à l'endroit haha
Alors pour votre culture, sachez que les cupules n'existent que dans les Vosges et en Forêt Noire, et que sur des supports gréseux. Il s'agit de dépressions sphériques dans des ensembles rocheux, créées par l'érosion. Ce sont des sources de questionnements sur leur usage plus ou moins mystique.
Le château de Salm, du moins, ce qu'il en reste
C'est à partir de là que nous entamons véritablement notre descente ! Nous croisons des sculptures sur bois, dont un écureuil avec tarpé, une grotte inquiétante et à la fin, un panneau interdisant les véhicules à moteur et les transistors (!). Nous dévalons la pente avec une telle agilité que nous ne prenons même pas la peine de documenter visuellement cette partie du périple. Ou alors nous sommes déjà fatiguées ?
Il nous reste pourtant encore un bout de route à parcourir ! Et quand je dis route, pour partie c'est malheureusement de la grosse route macadam pendant un certain temps, jusqu'à arriver aux Quelles, "paisible hameau installé dans une clairière". C'est vrai que c'est nettement plus agréable.
Puis nous voici parties pour 45 minutes sur le "chemin de la poésie", un chemin forestier que j'ai pour ma part trouvé assez ennuyeux, peut-être aussi parce que j'avais bien conscience qu'une cloque s'était formée entre mes orteils. Des pannonceaux poétiques parsèment la route mais je n'ai pas le courage de les lire. Il commence à faire plus sombre, le chemin est large et plat, boueux par endroits, je suis pressée de sortir. 17h sonnent quand nous sortons de la forêt, avec vue en contrebas sur le village de Rothau. La lumière de fin de journée d'octobre donne un éclat particulier, des teintes dorées qui ne sont pas désagréables à observer. Nous dégringolons la très grande pente que nous avions ignoré le matin même en nous félicitant d'avoir fait le parcours en sens inverse puis retraversons le village.
Ayant pris plus de temps que prévu, nous devons attendre le train suivant celui que l'on pensait prendre. Nous observons les personnes au poste d'aiguillage, laissé ouvert avec la douceur de l'air. Suivant le fil du quai, les rails s'enfoncent dans la forêt, promesse de mystères encore irrésolus. Malgré l'absence de chêne comme appui, nous procédons à divers étirements pour prévenir des inévitables courbatures. Les sacs ont pesé sur les épaules. Mais nous sommes fières d'avoir fait la boucle en entier et sans trop de dommage. Puis le train finit par arriver. C'est dimanche soir, retour des étudiants : adieu confort verdoyant de la solitude ! Bonjour Strasbourg !