Milford Sound sous la drache, c'est pas pour les poules mouillées

Milford Sound sous la drache, c'est pas pour les poules mouillées

Aujourd'hui, excursion au Milford Sound, qui est en fait un fjord, dans le parc national logiquement appelé Fiordland. Pluie forte et orages sont prévus, on n'est pas ravies mais il paraît que c'est le meilleur temps pour visiter le lieu. Soit, on va dire qu'on a de la chance alors !

Oui, la chance de se lever à 4h45 ! Le sol est mouillé, il a dû pleuvoir dans la nuit mais pour le moment il ne fait pas moche. On attend au point de rendez-vous convenu et bientôt le bus arrive. C'est Rodrigo qui nous emmène, un Argentin qui fait visiblement beaucoup de randonnées ; le petit cardigan qu'il porte contraste avec sa carrure et son allure haha. En tout cas il est très enthousiaste sur la météo à venir (pas comme nous) et nous partage des commentaires le long de la route.

Le soleil se lève tandis que nous amorçons le tour du lac Wakatipu, celui qui baigne Queenstown. On peut voir de la rive opposée le pic Cecil coiffé d'un nuage :

Disons-le tout de suite : les photos de ce billet vont être soit prises depuis le bus, soit depuis le bateau, soit rarement à l'air libre mais dans tous les cas sous une pluie diluvienne d'où leur qualité remarquable 

Le Milford Sound est en fait à 70 km à vol d'oiseau au nord-ouest de Queenstown mais on est obligés de rouler 300 km au sud puis à l'ouest jusqu'au lac de Te Anau puis enfin plein nord pour finalement le rejoindre car nous ne sommes pas des oiseaux et il n'y a qu'une route !

Voilà pour l'itinéraire !

Les kilomètres s'enchaînent et on a tout le loisir d'admirer le lac Wakatipu et les montagnes qui le bordent en plein éveil. Pas d'habitations, peu de végétation et pas haute, les montagnes sont comme de gros rochers moussus. On aurait bien envie de finir notre nuit mais le paysage est magnifique et Rodrigo nous commente la route avec des tas d'anecdotes ; par exemple, il nous indique que le lac a un genre de marée, il monte et descend de 10 cm par heure. Et voici la légende maorie de sa formation :

Il était une fois un géant qui vivait dans cette vallée recouverte par un glacier. Mais pris de solitude, il s'est rendu dans un camp maori pour kidnapper la fille du chef. Ce dernier fort mécontent a alors envoyé ses meilleurs guerriers pour la récupérer. Arrivés de nuit, ils libérèrent la princesse sans éveiller le géant. Victoire ! Mais pour éviter des représailles, ils décident de tuer le géant. C'était vraiment un très grand géant, aussi il mirent le feu à son matelas de fougères sèches, ce qui fit fondre le glacier. Le lac a gardé la forme du géant (d'où son nom en maori qui signifie sleeping giant) et les Maoris disent que son coeur est toujours au fond du lac, provoquant les marées.

Au bout du lac, on atteint Kingston, une toute petite ville mais qui était très importante jusqu'à la moitié du 20e siècle pour relier le sud de l'île. 

On voit encore tout plein de moutons le long de la route. Logique car il y en a 25 millions en Nouvelle-Zélande (pour 5 millions d'habitants) mais il y en a eu jusqu'à 75 millions dans les années 1950-60 !

On somnole un peu entre 7h et 8h avant d'arriver au lac Te Anau. D'autres personnes montent à bord, une petite pause et on repart. Peu après, on arrive au début du parc national Fiordland. La route a mis 24 ans à être construite, on imagine le boulot !

Rodrigo fait un arrêt devant les Misty Mountains (on a oublié leur vrai nom mais ce sont réellement les montagnes qu'on voit dans le Hobbit ^^) mais la pluie a déjà commencé à tomber, c'est donc rapide.

Far over...

Quelques instants plus tard, on nous propose une petite marche dans la forêt pour aller voir les Mirror Lakes (qui sont en fait une rivière, assez chouette par beau temps car les montagnes se reflètent dedans) mais la pluie est intense et on préfère rester dans le bus tandis que quelques courageux s'y frottent. 

Un peu plus loin, on croise un panneau indiquant le 45e parallèle sud, à mi-chemin entre l'équateur et le pôle sud !

On s'arrête ensuite à Flat Knob, là où se situait le campement principal des ouvriers lors de la construction de la route.

Toujours aussi brumeuses ces montagnes, mais là au loin : notre première cascade !

S'enchaînent après cela des kilomètres de forêt moussue et dense (un peu Fangorn style). Ici l'arbre majoritaire est le hêtre argenté (silver beech ou tawai) mais on voit aussi beaucoup de fougères basses et beaucoup beaucoup de mousses donc. À un moment, quelqu'un du DOC (Department of Conservation) sur le bas-côté nous fait ralentir : une équipe est en train de débiter un arbre qui est tombé sur la route. Il faut dire qu'avec une seule route et aussi touristique il faut agir vite pour éviter les bouchons !

On passe encore des vallées plongées dans la brume, et on commence à voir des cascades, qui se multiplient très vite. Notre chauffeur nous indique que la plupart n'étaient pas là la veille (c'est donc bien cette pluie diluvienne qu'il faut remercier). On s'arrête à Monkey Creek où on prend quelques photos et on remonte aussi sec dans le bus, déjà bien mouillées ! On aperçoit brièvement un kea aussi - une chance car il n'aime pas la pluie apparemment. Les torrents que nous traversons charrient une eau furieuse.

Vraiment, quelle journée prometteuse !

Au risque de nous répéter, c'est sous une pluie battante que nous embarquons finalement vers midi sur le bateau qui va nous faire passer le long des montagnes jusqu'à la mer de Tasman puis demi-tour vers le quai d'amarrage. Nous avons appris de nos leçons précédentes : Marie a déjà mis son pantalon de pluie et les sacs à dos ont été emmaillotés dans leur housse.

Un défilé de parapluies et de ponchos à l'entrée du bateau 

Nous trouvons une place sur le pont supérieur (enfin à l'étage quoi, à l'intérieur) et c'est parti ! On nous répète qu'en dépit des apparences, on a beaucoup de chance car hier encore il n'y avait aucune cascade. Mais aujourd'hui, on ne sait plus où donner de la tête ! Marie affronte le vent, la pluie, le buisson de ronces aquatiques soufflés des cascades et le tangage marqué de notre embarcation pour prendre quelques photos.

Ne faites pas ça chez vous

Ni ça car ça nécessite l'emploi d'une bourrasque (c)

Une cascade peut en cacher 100 autres

La puissance des éléments est impressionnante, en fait on se sent petit et ridicule ; d'en bas on ne peut pas voir le sommet des parois rocheuses où serpentent des filets d'argent. Les cascades qui prennent épaisseur et écume et mouvement apparent. L'eau douce se mêle à l'eau salée, créant des démarcations de couleur : vert-bleu c'est l'eau des rivières, gris c'est la mer.

C'est bien colorié dans les lignes

On voit également plusieurs chutes d'eau, le débit est fou et tout le paysage est voilé par une bruine sans cesse renouvelée. Les phoques et les dauphins restent à la maison regarder Netflix, on ne les voit donc pas. Mais tout ce vert luisant de flotte, ces rochers où personne ne peut s'agripper et ces cascades partout où porte le regard ! Qu'est-ce qu'ils manquent ! 

Bienvenue au Jurassique

Entre deux sorties photos et contemplations de la montagne plongeant dans les eaux agitées on mange le repas auquel nous avons droit haha. Nous sommes plutôt placées du bon côté, même sur la route du retour qui s'achève malheureusement bientôt. Les chutes Bowen moussent de toute leur majesté à la fin du parcours mais vite vite nous devons remonter dans le bus !

C'est la chuteuh finale

Le voyage retour en bus se passe de commentaire. Tout le monde est trempé, fatigué et le chauffeur nous laisse somnoler. En arrivant à Queenstown, le ciel est toujours bien bas, le lac est plongé dans la brume et les montagnes fument. 

Sans doute pour s'indigner de notre départ imminent.